Les Bonheurs X de Sophie L'Orient Express - Première partie
Enfin les vacances ! Sophie a organisé un superbe voyage. L’un de ses rêves d’enfance enfin sur le point de se réaliser : un aller simple pour Istanbul à bord du train mythique, l’Orient Express.
Paris - Budapest - Bucarest - Istanbul. En six jours et cinq nuits. Depuis que Sophie a lu - le Crime de l’Orient Express - d’Agatha Christie, elle rêve régulièrement de pouvoir voyager à son bord. Aujourd'hui, ce rêve devient enfin réalité. Au prix de deux ans d’économies.
Sophie vient d’arriver à la gare de l’Est. Pour être sûr de ne pas rater son train, elle arrive une heure en avance. Ses bagages et ceux de JC sur un chariot, Sophie marche d'un pas décidé vers le quai indiqué sur son ticket. Traversant la masse des voyageurs qui se croisent, elle arrive au bon quai.
Il est là ! Magnifique ! D’un bleu nuit rutilant avec inscrit sur ses flancs, son nom en lettres dorées. Au sol et sur toute la longueur du train s’étend un tapis de velours rouge.
Il n’y a pas à dire ça en jette ! se dit Sophie.
L’accès au train est fermé par un cordon rouge suspendu entre deux trépieds dorés. Un contrôleur en costume de la même couleur que les wagons se tient près de l’entrée. Sur sa casquette on peut lire aussi le nom du train en lettres dorées. Du style dans les moindres détail
— Bonjour monsieur, j’ai deux billets pour Istanbul.
— Bonjour madame, puis-je les voir ?
— Oui bien sur les voilà.
— Parfait.
L’homme fait un signe de la main et un bagagiste arrive.
— Vous avez une couchette pour deux personnes dans le troisième wagon.
— Mon mari va arriver d’un instant à l’autre. Je peux l’attendre ici ?
— Oui bien sûr. Mais je vous invite à vous rendre dans le wagon restaurant. Vous y trouverez un bar. Vous pouvez y commander ce que vous voulez. Vous y serez plus confortablement installée pour attendre votre époux. Et ce service est inclus dans le prix de votre billet.
— Formidable ! Merci beaucoup pour le conseil.
— A votre service madame.
Assise dans l’un des fauteuils confortables du wagon bar, délicieusement rétro dans un style années vingt, Sophie savoure le moment avec une tasse de chocolat chaud. Par la fenêtre, l’horloge du quai la tire de sa félicité. 18h30. ‘’Mince le train part dans une demi-heure et Jean-Charles n’est pas encore arrivé.’’ Sophie sort son téléphone pour l’appeler.
— Hello chéri. Tu arrives bientôt ?
— Ah Sophie, j’allais t’appeler. Je suis désolé mais je ne vais pas pouvoir prendre le train avec toi ce soir. Mais demain matin à la première heure je vais prendre un avion pour te rejoindre.
— Quoi ?! Tu te moques de moi ?!
— Sophie ! Reste calme s’il te plaît et écoute-moi. Notre plus gros client a débarqué au bureau pour renégocier son contrat. On vient de le signer et mon boss insiste pour que je l’accompagne au restaurant avec le client pour fêter l’événement. Tu imagines ? C’est la vie de l’entreprise qui est en jeu.
— Tu te fou de ma gueule ou quoi ?! Votre plus gros client vient à l’improviste pour signer le contrat de l’année ?? Un truc aussi important personne n’était au courant ?
— C’est ça.
— Tu as conscience que tu détruits nos vacances ?
— Écoute chérie, ne le prend pas comme ça. Nos vacances sont importantes. Mais mon travail passe d’abord. Sans lui pas de vacances possibles.
— Parce que je ne travaille pas de mon côté ?! Ce voyage je voulais le vivre avec toi !
— Je n’ai pas dit que tu ne travaillais pas. S’il te plaît Sophie calme toi. Je te rejoins par avion. Ma secrétaire va réserver un billet. Donne-moi une date et une ville ou te rejoindre
— J’enmerde ta secrétaire et tes excuses tu peux te les foutres ou je pense ! Ciao bambino !
— Soph… …
Furieuse Sophie raccroche au nez de JC. La messagerie de son smartphone bip.
Un message de Jean-Charles : - rappel moi STP -
‘’Il peut toujours courir’’. Sophie éteint son téléphone d’un geste enragé. La colère cède sa place à de la peine. Les larmes lui montent aux yeux. Les idées se bousculent dans sa tête. ‘'Il va me rendre folle cet abruti !’’ Alors que Sophie sombre dans des idées noires, la voix d’un homme ramène son esprit dans le wagon.
— Pardonnez mon intrusion madame. J’ai entendu votre conversation. Notez que je l’ai entendu bien malgré moi. Je pense que toutes les personnes présente dans ce wagon l’ont entendue malgré elles.
Sophie se redresse et sèche ses larmes d’un revers de la main.
— c’est moi qui suis désolée d’avoir parlé trop fort et de vous avoir dérangé.
— Oh c’est bien peu de chose comparé à l’objet de votre chagrin. D’ailleurs je suis certain que toutes les personnes ici présentes compatissent à votre peine et vous pardonne d’avoir eu le verbe haut.
— Merci vous êtes bien aimable. Mais ne restez pas debout. Asseyez-vous je vous en prie.
— Oui merci avec plaisir. Je me présente. Henri du Bois. Historien.
— Enchantée. Moi c’est Sophie. Je suis web designer et en vacances.’’
Henri sourit.
— Vous êtes historien ?
— Oui. Pour tout vous dire je suis docteur et professeur en histoire de la littérature. J’ai écrit plusieurs livres sur le sujet.
Le professeur est un homme d’âge mur. Il ressemble à Sean Connery. Ce qui n’est pas pour déplaire à Sophie. Il se dégage de cet homme une force tranquille apaisante.
Sophie passe sa main dans ses cheveux. Elle veut lui plaire.
Un sifflet retentit depuis le quai. Le train se met en mouvement.
— Et l’Orient Express est le sujet d’une de vos études historiques ?
— Exactement Sophie. Ce train existe depuis plus de cent ans. Son histoire a rejoint bien souvent l’Histoire avec un grand H. Par exemple le 11 novembre 1918 le général Foch signe l’armistice et la fin de la première guerre mondiale avec les Allemands dans le wagon-restaurant de ce train.
— Celui où nous sommes assis en ce moment ?
— Non. Mais celui-ci a été reconstruit à l’identique. En fait le wagon de l’armistice du premier conflit mondiale a été utilisé par Hitler pour humilier la France. Dans un esprit de revanche il fit signer la capitulation des Français en juin 1940 dans le même wagon. En avril 1945, quand Hitler sait qu’il a perdu la guerre, il fait détruire le wagon…
— Incroyable ! Je ne connaissais pas ces détails. C’est passionnant !
— Ce train est une mine d’or pour qui s’intéresse aux histoires du passé. Il y a tellement à raconter. Et pour qui s’intéresse à la géographie, l’Orient Express peut servir de guide. Il traverse tellement de pays.
— Henri on peut se tutoyer ?
— Oui bien sur Sophie.
— Tu disais que tu es docteur en histoire de la littérature.
— Oui en effet.
— Tu vois j’écoute ce que tu me dis.
Rires.
— Depuis que je suis gamine, je rêve de ce voyage après avoir lu ‘’Le crime de l’Orient Express.
— L’un des romans d’Agatha Christie les plus traduits dans le monde. Une trentaine de langues différentes si je me souviens bien. Elle a donné vie à cette histoire et son personnage Hercule Poirot après un voyage à bord du train en 1928. Le train bloqué en chemin s’inspire lui aussi d’un fait divers réel. En 1929 le train stop plusieurs jours pendant une tempête de neige en Turquie. L’intrigue du roman puise sa source dans un crime réel lui aussi qui se déroula en 1932, le kidnapping de l’enfant de Charles Lindbergh. Deux ans plus tard Agatha publiât son œuvre. Toujours lue aujourd’hui.
— Extraordinaire ! Je ne connaissais pas tous ces détails. Tu es une véritable encyclopédie vivante.
— Oh tu sais Sophie je n’ai pas vraiment de mérite. Savoir ces choses, c’est mon métier. D’ailleurs je suis ici pour un autre auteur dont je fais la biographie.
— D’accord. Mais on mange en même temps. Je commence à avoir faim.
— Oui bonne idée, moi aussi j’ai envie de manger quelque chose.
Dans le wagon restaurant, la moquette épaisse, les parois en bois marqueté et la lumière chaude créaient une ambiance délicieusement rétro. Sur les tables, nappes blanches. Assiettes en porcelaine de Limoges, couverts en argent, verres en cristal et lampes Lalique. Tout dans ce wagon restaurant invite les passagers qui s’y installent, à passer un moment unique hors du temps. Sophie et Henri prennent place et commence leur dîner.
— Alors dis-moi, sur la vie de quel auteur travail tu en ce moment ?
— Si je te dis, le vol de la Joconde ?
— Quoi la Joconde a été volée ?
— Oui. En août 1911. Et retrouvée deux ans plus tard en Italie.
— Et ce vol a un rapport avec celui dont tu fais la biographie ?
— En effet il a été soupçonné par la police. Il a d’ailleurs fait plusieurs jours de prisons pour rien à cause de cette histoire.
— Mince ! Le pauvre.
— Tu ne vois pas de qui je parle ?
— Non désolée. Tu sais je ne suis pas très littéraire. J’espère que tu ne m’en voudras pas.’’
Henri rigole.
— Non Sophie, rassure-toi.
— Par contre j’adore ta façon de raconter. Je découvre un monde absolument passionnant.
— Merci Sophie. Donc. L’auteur qui m’amène ici est l’un des plus grands écrivains, poètes et critique d’art Français de son époque. Il s’agit de Guillaume Apollinaire.
— Ce nom me dit quelque chose. Mais je ne connais rien de lui.
— Rassure toi tu n’es pas la seule. Pourtant il a été l’ami sincère des plus grands artistes de leurs temps, au moment où ils n’étaient pas encore connus. Parmi eux, celui-là tu le connais j’en suis sûr, Pablo Picasso. Bref cet oubli du publique me pousse à faire redécouvrir l’œuvre de cet homme.
— Mais quel rapport entre Apollinaire et l’Orient Express ?
J’espère que tes oreilles ne sont pas choquées par les choses du sexe ?
Sophie rigole doucement en s’essuyant la bouche et d’un ton plaisantin répond à Henri.
— Tu sais Henri, si mes oreilles pouvaient raconter ce qu’elles ont entendues, je pense que tu aurais suffisamment de matière pour écrire un nouveau livre.’’
Henri sourit.
— Parfait, alors voilà, Guillaume Apollinaire aurait écrit un livre intitulé ‘Les onze milles verges’. Il s’agit d’un livre érotique extrêmement dérangeant pour l’époque. L’auteur a simplement laissé quelques indices dans le texte et signé l’œuvre par deux lettres A G.
Sophie repose son verre de vin blanc et avale rapidement le divin breuvage encore dans sa bouche.
— Quoi ? Un roman pornographique ? Alors là, je t'en prie Henri, tu peux te lâcher sur les détails. Je suis tout ouïe.
— Absolument pas. Je suis une coquine très gourmande. Quand on sait m’ouvrir l'appétit, bien entendu.
Henri à un petit sourire malicieux.
— Je retiens ma chère. Je vais m'efforcer de te mettre l'eau à la bouche.
Sophie lance un clin d'œil complice.
— C'est déjà fait. Mais s'il te plaît, continu sur cette histoire de livre pornographique. Cela m'intéresse.
— Entendu. Mais en préambule je dois te dire que personnellement, je ne crois pas qu’Apollinaire soit l’auteur des ‘onze mille verges’. Raison pour laquelle j'ai décidé d'écrire sa biographie en forme d'enquête. Pour le moment je suis dans la prise de notes.
— En forme d'enquête ? Façon Agatha Christie avec Hercule Poirot ?
Henri se gratte le menton.
— Je n'avais pas songé à utiliser cette comparaison. Mais oui tu as raison Sophie. Bien vue. Je pourrais peut-être commencer cette biographie en reprenant les codes d'Agatha.
Pour comprendre ma démarche, il faut que tu saches que ma thèse de doctorat d'histoire de la littérature, je l'ai faite sur l'œuvre et la vie d'Apollinaire. J'ai articulé mon travail autour de sa passion pour l'art nouveau et de ses amitiés avec les plus grands artistes de son époque. Artistes dont les œuvres sont vendues à prix d’or aujourd’hui. Tu sais Sophie, l’expression ‘surréaliste’ pour désigner cet art nouveau de l’époque et encore utilisée aujourd’hui, a été inventée par Apollinaire.
Lorsque j'ai soutenu ma thèse, il y a fort longtemps déjà, les membres du jury m'ont chaudement félicité. Sauf un qui me reprocha de ne pas avoir inclus dans mon étude, ce roman pornographique d'Apollinaire. Cette remarque ne m'a jamais quitté.
— Tu ne fais pas ton âge, si tu as plus de cinquante ans.
Henri sourit largement.
— Merci Sophie ! Alors voilà. Des experts affirment aujourd'hui qu'Apollinaire est l'auteur du livre dont on parle. Le souci c'est qu'il n'a pas signé le livre et qu'il n'a jamais reconnu auprès de qui que ce soit, l'avoir écrit. D'ailleurs de son vivant personne ne l'a affirmé non plu. Pour ma part je n'ai jamais adhéré à cette idée de paternité littéraire, attribuée bien longtemps après sa mort.
— Pourquoi pas ? Après tout, la sexualité est l'affaire de tout le monde. À part quelques hypocrites ou frustrés, qui n'ont jamais baisés par pur plaisir. Alors pour un écrivain se laisser aller dans l'écriture récréative de parties fines. Ou est le mal ?
— Entièrement d'accord Sophie. On dit que l'humour c'est la décontraction de l'intelligence. Je pense que pour un écrivain, l'érotisme s'apparente aussi à la décontraction de l'esprit mais en y ajoutant celle du corps.
— Oui sauf peut-être pour les lecteurs. Hi hi hi.
— Oh oui tu m'étonnes. Nous savons aujourd’hui que Picasso et Apollinaire s’envoyait des dessins érotiques. Mais ce roman aborde des thèmes scabreux, malsains. Qu'un homme ou une femme normalement constituée n'envisageraient pas une seconde. J'ai lu ce livre. Je dois te dire que si certains passages m'ont amusé d'autres m'ont donné la nausée. Ce qui me dérange le plus dans ce livre c'est la légèreté de ton employée pour décrire des scènes horribles de scatologie, de viols, de pédophilies, de meurtres pendant le coït et donc aussi de nécrophilie, de zoophilie et j'en passe. Alors certes il s'agit d'une fiction. Mais une fiction immonde !
— Ah ouai. Le truc bien dégueulasse.
— En effet. Mettre en scène les pires dépravations et crimes qu'un homme puisse commettre, sans une once de réprobation, n'honore pas son auteur.Apollinaire aimait les femmes et il croyait en Dieu. Quand on aime les femmes et que l’on croit en Dieu, on n’écrit pas de tels horreurs.
— Je comprends maintenant ce qui motive ton travail.
— Moi qui me suis intéressé dans le détail à la vie et l'œuvre d'Apollinaire, j'affirme que ce roman ne peut pas avoir été écrit par lui. Ça ne colle pas avec sa vie, avec sa personnalité. De même que la forme plutôt basique du texte n'a rien à voir avec le style riche et subtile d'Apollinaire. Mais il me faut le démontrer.
— Mais alors qui a écrit ce livre ? Et pourquoi l'avoir attribué à Apollinaire s'il ne l'a pas signé ?
— Ces questions ma chère Sophie, sont la raison de ma présence ici.
Louis Levalac
Aidez ce petit cochon à rester en bonne santé.
Toi qui à les bourses en main. Lache une pièce ou deux si tu apprecie l'univers que je te propose.
Bises ! Louis Levalac
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